TOPIC COMMUN ✢ à la belle étoile

C'est la soirée des plus téméraires, prêts à braver le froid pour voir les aurores boréales se dessiner au dessus de l'océan. Le rendez-vous a été donné sur la falaise Högeklint, point culminant des environs, équipés de tentes et de boissons chaudes. Au programme, lancer de lanternes, feu de camp, marshmallow grillés, chansons et lectures au coin du feu.. En espérant avoir la chance, plus tard, d'observer les volutes dansantes des aurores dans la nuit.

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Juniper est un peu en retard. Il faut dire que les clients se sont attardés, encore, ce soir, alors qu’elle s’attendait à les voir filer au Black Sheep ou à la veillée dès les premières étoiles venues. Elle avait décidé d’ouvrir un peu plus tard, ce soir-là, afin de permettre aux habitants et aux touristes de passage d’acheter le livre de leur soirée. Le souvenir de Madame Lindberg embarquant sous son bras le livre que Juniper lui avait conseillé la fait sourire, malgré la pente un peu raide qui mène à la falaise. Elle croisera certainement sa cliente ce soir, malgré le froid. Sentant la température lui mordre le bout des doigts, la libraire rabat le bout de ses mitaines sur ses phalanges, les réchauffe un peu en expirant, souffle dessus, et se remet en route.

Des tentes sont déjà installées et, de loin, Juniper aperçoit le garçon à la caméra. Elle ne lui a jamais vraiment parlé et se contente de lui adresser un sourire ravi - elle est heureuse d’être là, d’être enfin arrivée, et finit par déposer l’imposant sac qu’elle a monté depuis Visby - des livres, des couvertures et des coussins en renfort au cas où. Elle en prend un, d’ailleurs, et s’approche du jeune homme à la caméra, @Seojun Mun si elle se souvient des rumeurs.  « Tiens, ce sera plus confortable. » Avec un sourire, elle lui laisse le coussin, lui adresse un petit signe de la main, et s’éloigner de quelques pas pour observer l’installation, les gens présents, les lumières qui, doucement, s’élèvent au-dessus d’eux. Juste assez forte pour s’entrapercevoir, mais pas assez brillantes pour les empêcher d’observer le spectacle qui se prépare. L’atmosphère chaleureuse lui fait oublier le froid et Juniper ne peut s’empêcher de sourire, ravie d’avoir choisie les lanternes et les lueurs plutôt que le Black Sheep. Non pas qu’elle n’aurait pas eu envie de boire quelque choses ou de voir Aron travailler - mais même le pub ancestral de Visby ne peut pas battre une telle vue.

Aurores boréales et un lancer de lanternes. Quand mes parents m’avaient proposé ça, je n’avais pas hésité. Même moi, accro à mon téléphone et plus citadin qu’un chihuhua en pull, je pouvais reconnaître la beauté d’une telle chose. La veille, ils m’avaient aussi proposé d’aller à la Nuit des Lumières, mais ça m’avait moyennement intéressé, j’avais préféré passé ma soirée dans ma chambre à discuter avec Magnus, donc bien au chaud. Pour ce dernier soir de célébration de l’île, pour ce qui était au programme, j’étais prêt à braver le froid. Pendant que mes parents préparaient des couvertures et plaids, de quoi grignoter et des coussins, de mon côté je faisais aussi mon sac. Obstiné, j’étais déterminé à prendre mon téléphone portable, parce qu’on ne sait jamais, et que de toute façon, il était hors de question que je parte sans, mais je prenais aussi une lampe torche, mes médocs – même si je m’en serais bien passé, je savais qu’ils m’étaient essentiel – et de quoi lire. Par dépit, j’avais glissé entre ma deuxième grosse écharpe en laine et mon duvet, un des bouquins qu’on devait lire en cours, ne parvenant pas à remettre la main sur mon magazine. J’avais également pris mon casque, dans le cas où ma mère ou mon père commencerait à poser des questions sur le lycée ou sur mes perspectives d’avenir.

Sac sur le dos, mon gros poncho en laine aux couleurs flashy que j’avais trouvé avec Irène à Stockholm, cache cou qui couvrait jusqu’à mon nez et des gants épais, je suivais mes parents en traînant un peu les pieds. Non pas que je sois en pleine phase descendante, j’étais plutôt en train de penser à quelque chose en particulier : et si mes chers camarades lycéens étaient aussi sur la falaise ? Je les voyais assez tous les jours, je n’avais pas en plus envie de les voir là, alors que c’était une célébration, un évènement. Ravalant ma salive, j’avais rattrapé la distance qui me séparait de ma famille pour les aider à installer notre tente, non sans galérer. Même si mon père n’arrêtait pas de dire qu’il savait faire et que ses réflexes passés allaient revenir. Pendant que ma mère se moquait de lui tout en frottant ses mains gantées l’une contre l’autre. Ouais bon, d’accord, ils étaient drôles mes parents quand ils voulaient. Et du coup, un peu cool.

Son manteau supporte le froid de Visby, dont l'insularité rehausse vaguement les températures ressenties -Joanne découvre ce soir que le froid des falaises, lui, rend la laine épaisse aussi efficace que du papier de soie délicatement posé sur ses épaules nues. Joanne piétine pour se réchauffer, entre les tentes, balaie le sol des pieds comme du regard, cherchant quelqu'une au travers de l'attroupement peu frileux de ce soir. Une petite voix lui souffle dans la tête qu'elle le savait, pourtant -que sa veste serait trop fine, qu'elle aurait dû prendre plus de thé pour se chauffer ; mais le corps l'a mise en sourdine en s'emparant de ce manteau bleu marine acheté à Stockholm, coquetterie qu'elle espère ne pas lui être fatale.

Elle ne sait même pas si elle viendra. Elle essaie de se dire que ce n'est pas elle qu'elle attend, en jetant un coup d'oeil à son portable, indiquant l'heure qui avance, lui rappelant le silence de sa partenaire. C'est à mi-mot qu'elle lui a avancé l'invitation, sa nonchalance habituelle accrochée sur ses traits -qu'elle vienne ou pas peu importe, le thé non plus n'est pas pour elle, ce n'est pas comme si Joanne n'aimait pas boire du chaï de temps en temps, plutôt que son éternel café serré...

Lorsqu'elle relève les yeux, elle aperçoit la silhouette familière de @Juniper Anderson, et enfonçant bien les mains dans les poches, le nez, rouge, enfoncé dans son écharpe, elle s'approche. « June. Tu as l'air beaucoup trop heureuse pour être dehors quand il fait -20... », fait-elle en guise de salutation, le ton bas, refrénant les tremblements de ses muscles mordus par le froid et la nervosité légère.

Le week-end de Norrsken Fest touchait à sa fin, et Aron était satisfait qu’il s’achève sur une nuit en pleine air. La soirée de l’avant-vieille, au pub, l’avait laissé éreinté et plus grognon que d’habitude. Il avait passé une partie de son samedi à faire disparaitre les excès de cette soirée extravagante qui avait duré jusqu’au petit matin, et trouvait son réconfort dans le fait que ces fêtards ne braveraient probablement pas la rudesse du climat pour nuit de camping. Comme les années passés, l’homme avait offert son aide à l’association chargée d’organiser la nuit. Habitué au grand air et campeur expérimenté, il avait prêté son matériel et s’était chargé de rassembler du bois pour le feu de camp. Plusieurs allers-retours avaient été nécessaire pour transporter tous le matériel et les vivres nécessaires, et il était presque 20h lorsqu’il quitta définitivement sa voiture pour la nuit. Sur le haut des falaises, un petit groupe commençait déjà à se former ; les organisateurs attendaient une cinquantaine de personnes. L’évènement était plutôt familial et tout l’atmosphère était bon enfant, mais ce soir le vent glacial aurait certainement raison de la motivation de plusieurs habitants.

Le feu de camp avait été allumé : il distinguait ses hautes flammes rouges malmenées par le vent, alors qu’il s’approchait du campement, les bras chargés d’une large caisse en bois qui semblait lourde. Il passa à côté de plusieurs habitants qu’il salua d’un signe de tête (@Seojun Mun, @Sherlock Ek) ou d’une invective, et aperçu des visages familiers prêt du feu. Arrivé à la hauteur de @Joanne Lim et @Juniper Anderson, il lâche, le souffle court : « Agente Lim. Juniper. » et pose finalement la caissette en bois à ses pieds, portant l’inscription Black Sheep au marqueur.  Avec un sourire satisfait, il ajoute : « J’ai ramené de quoi se réchauffer. » Il frotte ses mains, rougies par l’effort et par le froid, et retire du bout du pied le couvercle de la mystérieuse boîte, dévoilant plusieurs bouteilles de whisky, de gin et de rhum.

 « June. Tu as l'air beaucoup trop heureuse pour être dehors quand il fait -20… » « Joanne ! » L’expression surprise de Juniper ne fait qu’écho à son ravissement lorsqu’elle voit s’approcher @Joanne Lim. Il est rare que la policière et elle se croise, en ce moment, étant quelque peu prises par leurs emplois respectifs - les festivités de Visby sont une bonne occasion pour offrir à la jeune femme une étreinte chaleureuse bien loin de ses habitudes coréennes. Bien que cela ait tendance à mettre les gens mal à l’aise, la libraire a parfois du mal à s’en empêcher. Lorsqu’elle relâche enfin son ami franchement frigorifiée, June hausse les épaules tout en ajustant les gants de laine sur ses doigts mal réchauffés.  « C’est l’ambiance et le thé, qui me réchauffe. Je suis contente de sortir un peu de la librairie. Et que tu sois là, ça fait longtemps qu’on ne s’est pas croisé ! » Si le temps est une histoire relative, Juniper se souvient parfaitement de la dernière fois où Jo se tenait, plus patiente qu’on ne pourrait le croire, au pied de l’échelle pendant que June réparait un trou dans le toit.

Mais la libraire n’a pas le temps d’aller plus loin, de lui demander comment elle va et comment se passe le travail qu’@Aron Strömquist s’approche, chargé d’une large caisse dont elle croit deviner la contenance. Lorsqu’il est en dévoile le contenu avec une certaine théâtralité, elle ne peut s’empêcher d’afficher un franc sourire.  « Je crois qu’il y a de quoi faire pour une bonne partie de la soirée ! Mais tu devrais servir un petit quelque chose à Joanne, je crois qu’elle est frigorifiée. » Adressant un sourire en coin à la concernée, Juniper se contente de récupérer un large thermos au fond de son sac de vivres et de couverture. Sur l’étiquette on peut lire, en majuscules appliquées, « chocolat ».