Roses and Ruins
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 (jesper) wake up and smell the coffee

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Juniper Anderson
Juniper Anderson

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Messages : 409
Pseudo : Pauline
Avatar : Elisabeth Olsen (jenesaispas)
Multinicks : Anya Larsen
Disponibilité : Fréquente
Âge : Trente ans
Adresse : Une petite baraque sur l'île de Götland, qu'elle a acheté avec ses économies et qu'elle retape, au fur et à mesure, tout en s'occupant de son jardin.
Occupation : Propriétaire de la librairie anglophone Austen&Co.
Réputation : La nouvelle venue, plus si nouvelle que ça, qui s'est décidée à reprendre la librairie sur le point de fermer. L'américaine qui semble sourire presque tout le temps et dont on ne sait pas grand chose, à vrai dire, si ce n'est qu'elle vit retirée sur l'île, qu'elle n'a pas de famille, qu'elle aime le thé, les biscuits, et bien sûr les livres.

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MessageSujet: (jesper) wake up and smell the coffee    (jesper) wake up and smell the coffee  EmptyJeu 24 Jan - 21:12



Si tôt, le dimanche, le jardin est presque vide. Juniper ajuste sur ses épaules le manteau douillet, confortable, qu’elle a enfilé avant de partir. Ce sont les mots qui dictent sa journée, douillet et confortable. Doux. Délicat. Le froid mordant ne l’a pas empêché de sortir, de se tirer du lit malgré la chaleur des draps. Le sol est toujours glacé, le matin, quand elle n’a pas encore allumé le feu, quand le thé n’es pas encore prêt. Quand elle se réveille, seule, alors que le soleil, lui, dort encore, Juniper se souvient de ce que cela fait d’avoir quelqu’un à ses côtés, de sentir une autre chaleur entre les draps, une chaleur que l’on connaît bien, que l’on a appris par coeur et que l’on pourrait reconnaître, retrouver dans le noir, dans une foule. N’importe où, vraiment. Ces matins-là, Jasper lui manque - bien qu’ils aient fini par se déchirer, par se haïr, certainement, par se détester cordialement. Il n’y a plus rien, entre Jasper et elle, plus rien d’aimable et de délicat, rien qui ne ressemble à leurs premiers matins, ni à leurs premières nuits. À leurs premières conversations, leurs premiers secrets échangés, les premiers mystères levés, révélés, cette sensation de découverte et d’émerveillement permanent qui subsiste quand on ne connaît pas encore l’autre sur le bout des doigts. La routine aussi a fini par disparaître, l’agréable monotonie de savoir son mari chez soi. Et puis il y a la petite, la jolie Rose, aussi délicate que son oncle River, aussi téméraire que Juniper l’était, enfant, à explorer la forêt et les champs sans jamais craindre ni les voisins ni les animaux.

Un soupir s’échappe des lèvres de la libraire et, tirant les mains de ses poches, elle souffle sur ses doigts. Elle ne sait pas pourquoi elle s’écharne à porter des mitaines en lieu et place des gants en laine offerts par Madame Lindberg. Le bout de ses doigts est généralement rouge, à la fin de la journée, parfois gercé, couvert de poussière. Mais elle aime toucher, Juniper. Toucher, effleurer, sentir contre sa peau le papier des livres qui viennent d’arriver, les feuilles froides des plus belles espèces du jardin botanique.

June avance, se promène et déambule, oubliant Rose pour un instant, Rose et Jasper, qui doivent encore être à San Francisco, pour les vacances. Il vaut mieux oublier avant que la culpabilité ne revienne, qu’elle ne s’installe pour de bon et lui gâche la journée. C’est égoïste, mais ce dimanche n’est rien qu’à elle et, bien que sa fille lui manque horriblement, June sait vivre sans elle - a appris à vivre sans elle, par obligation, peut-être par choix également. Le pays de son enfance est bien loin, aujourd’hui, plus loin encore que les autres jours et Juniper pousse la porte de la grande serre tropicale. Il y fait chaud, juste comme il faut, et Juniper dénoue l’épaisse écharpe qui dévore son visage. Certaines essences ont cédé au froid, mais il en reste encore beaucoup, occupant tous les espaces libres, grandissant encore. Profitant du silence et de l’absence, la jeune femme s’étire et sourit et ferme les yeux un bref instant.
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MessageSujet: Re: (jesper) wake up and smell the coffee    (jesper) wake up and smell the coffee  EmptySam 9 Fév - 11:57



Le fond de l'air était frais. Moins frais qu'à Stockholm, mais sans doute plus pernicieux. Il s'infiltrait dans les moindres interstices pour piquer la peau et pénétrer les chairs. Il s'installait, dans le corps de son hôte impuissant, et demeurait là, à lui ronger les os, jusqu'à la fin de la journée, jusqu'au moment de la douche chaude et libératrice. Jesper avait les oreilles gercées par la légère brise, et regrettait de ne pas avoir embarqué un bonnet et une veste plus épaisse que son vieux blouson en daim, qui commençait à s'effilocher au niveau des coudes et de l'encolure. A vrai dire, cette balade dominicale n'était pas initialement pas prévue. Jesper avait claqué la porte sur un coup de tête, espérant faire taire les voix dans sa tête qui résonnaient un peu trop fort. Les voix des souvenirs. Généralement, Jesper n'apprivoisait pas la maison de sa grand-mère comme le tombeau d'une existence qui aurait presque pu se dérouler sans encombre. Il ne dévalait pas les escaliers en se remémorant la chute de Vera, la panique sur le visage séraphique de sa soeur, ni même les regards accusateurs des urgentistes. Non, il appréhendait la bâtisse comme un tas de mortier et de bois, dont il espérait se débarrasser au plus vite. En réalité, le pigiste n'était pas du genre nostalgique. Il ne vivait ni dans les remords, ni dans le passé, bien que celui-ci lui laissait malgré tout un goût d'amertume, qui attestait un attachement inavoué à ces stigmates. Jesper se la jouait peut-être « je-m'en-foutiste », le fait était qu'il dissimulait tant bien que mal sa tendance à l'hypersensibilité.

Jesper remonta son col et regarda autour de lui. Ses pas l'avaient conduit jusqu'au jardin botanique, qu'il connaissait en vérité assez mal. « Visby » et « Tourisme » ne faisaient pas la paire dans l'esprit du presque trentenaire. Objectivement, bien sûr, il aurait pu reconnaître la beauté de la ville. Elle portait en elle une histoire multicentenaire, elle offrait des paysages encourageant à la délectation et au romantisme littéraire, et elle semblait évoluer dans un environnement privilégié et immaculé des horreurs du monde. Parfois, lorsque le soleil d'hiver faiblissait, en continuant de briller au-dessus d'une mer de nuages, on se serait cru dans un tableau de Friedrich, à la frontière avec l'onirique Turner. Mais Jesper détestait Visby et il ne percevait que ses imperfections, son air trop iodé, son froid trop mordant, ses gens trop insipides.
Tout en se complaisant dans ses pensées malveillantes, le pigiste pénétra dans le jardin et entama une longue déambulation à travers les plantes, qui, à cette époque de l'année, affichaient grise mine. Congelé, la vision de la serre tropical s'apparenta à une apparition céleste. Pour sûr, il devait y faire chaud et c'était précisément d'un peu de chaleur dont il avait besoin. D'un pas pressé, il se dirigea vers le monstre de verre.

Un souffle tiède lui caressa le visage à peine eut-il poussé la porte de la serre. Il faisait bon à l'intérieur, et il éprouva la sensation de dégeler de l'intérieur. Comme si les stalactites cristallisées sur ses os fondaient subitement. Il laissa échapper un soupir d'aise, et jeta un coup d'oeil aux plantes qui l'entouraient. C'est alors qu'il l'aperçut, cette silhouette familière. Une jeune femme avait également trouvé refuge dans cette maison aux plantes. Il reconnut la propriétaire de la librairie Austen & Co, où il se rendait relativement régulièrement depuis son retour à Visby. Les livres et le calme du lieu lui offraient la sérénité dont il manquait cruellement. Il ignorait le nom de la librairie, bien qu'ils eurent déjà eu l'occasion d'échanger : elle lui donnait parfois quelques suggestions en matière de lecture, et Jesper, qui d'ordinaire aurait envoyé la commerçante s'occuper de ses affaires, les acceptait, au point même de suivre certaines recommandations.
Il toisa un instant la jeune femme, hésitant. Son défaut évident de sociabilité le poussait à quitter la serre, mais les dents du froid extérieur l'encourageai, au contraire, à patienter encore quelques secondes dans cet abri de fortune. Seulement, la situation, et surtout, son silence pouvaient devenir assez gênants. Pestant contre lui-même, Jesper se lança. « Bonjour. » Il remua un peu sur place, mal à l'aise dans ce genre d'échange. « Je ne sais pas si tu me remets hors du contexte de la librairie, mais je viens parfois te prendre quelques livres. » Bien que sachant pertinemment que cela allait à l'encontre des règles de bienséance, Jesper employait systématiquement le tutoiement. Il ne comprenait pas le principe de "hiérarchie" au sein des êtres humains. Ouvrant sa veste - il avait soudainement bien moins froid - il remit en place la mèche de cheveux qui lui tombait sur le visage. « Merci pour le livre que tu m'as conseillé. Je l'ai avalé hier soir. » Voilà, il n'était pas obligé de faire de grand discours. Il n'avait plus qu'à trouver une pirouette pour se tirer de là, et le tour serait joué, il pourrait retourner à sa solitude cruellement délicieuse.  
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Juniper Anderson
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Réputation : La nouvelle venue, plus si nouvelle que ça, qui s'est décidée à reprendre la librairie sur le point de fermer. L'américaine qui semble sourire presque tout le temps et dont on ne sait pas grand chose, à vrai dire, si ce n'est qu'elle vit retirée sur l'île, qu'elle n'a pas de famille, qu'elle aime le thé, les biscuits, et bien sûr les livres.

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MessageSujet: Re: (jesper) wake up and smell the coffee    (jesper) wake up and smell the coffee  EmptyLun 11 Fév - 20:58


Il y a quelqu’un dans la serre. June le sait car la porte vient de s’ouvrir puis de se fermer en faisant ce bruit distinct, une sorte de crissement, de frottement sur ses gonds et sur le sol. Un courant d’air froid lui parvient, s’enroule autour de ses chevilles et de ses poignets, entraînant un frisson le long de ses bras, le long de sa colonne. Juniper n’est pas gêné par le nouveau venu - ou la nouvelle venue. Il y a de la place, dans la serre, et peut-être ne vont-ils pas rester. Elle ne sait pas vraiment ce qu’elle fait là : ce matin, elle avait besoin d’air, besoin de se changer les idées. Jasper et Rose sont très présents, ces derniers temps, dans son esprit. Là, encore, elle vient de penser à eux. Elle n’a pas eu de nouvelles depuis un moment et c’est un peu de sa faute. Son ex-mari et elle se sont disputés, au cours de leur dernier échange, Jasper ne comprenant pas, ne comprenant plus celle qui a été, un jour, il y a peu de temps, sa femme. Cela fait longtemps, à vrai dire, que Jasper ne comprend plus et cela fait longtemps que Juniper a abandonné l’idée de lui faire comprendre ce qu’il se passe en elle. Peut-être est-ce cela qui a tué leur mariage, et non ses addictions, ses erreurs. La libraire se demande un instant si, sans les cachets et le reste, leur relation aurait pu tenir la route. Quelques mois plus tôt, elle aurait répondu que oui, évidemment, car elle aimait Jasper et il l’aimait - l’avait aimé, du moins - en retour. Ils auraient peut-être fait un effort pour Rose, un effort pour ne pas baisser les bras mais aujourd’hui Juniper n’était plus sûre de quoi que ce soit. Peut-être que l’implosion était-elle programmée.

« Bonjour. » La voix lui semble familière mais, perdue dans ses pensées, Juniper met une seconde avant de se retourner. Elle ne s’attendait pas à ce qu’on lui parle, si tôt un dimanche. Encore moins à se trouver face à un client de la librairie. Elle ne connaît pas son, ils n’ont que rarement parlé. Un sourire se dessine toutefois sur ses lèvres : c’est encore étrange, malgré l’année passée, de tomber sur des visages que l’on connaît à tout bout de champs, surtout quand on a habité à San Francisco pendant un long moment.  « Bonjour. » Est-ce une forme de malaise qu’elle perçoit chez son interlocuteur ? Le jeune homme - à peine plus jeune qu’elle, si elle devait deviner - oscille d’un pied à l’autre, un bref instant, avant de se remettre à parler. « Je ne sais pas si tu me remets hors du contexte de la librairie, mais je viens parfois te prendre quelques livres. » Juniper hoche la tête, bien sûr qu’elle le remet. C’est étrange, d’ailleurs, comme sa mémoire s’est développée, agrandie, depuis qu’elle a lancé la librairie : ses habitués, depuis des mois déjà ou plus récents, se sont faits une place dans sa tête et leurs visages, différents, uniques, lui reviennent presque instinctivement.  « Oh je me souviens tout à fait. Tu es passé la semaine dernière, mais ça ne fait pas longtemps que tu dans le coin, je me trompe ? » À l’aise dans le tutoiement, Juniper observe et sourit, les mains enfoncées dans les poches de son manteau. Il fait bon, dans la serre, mais l’idée du froid, à l’extérieur, semble la rendre frileuse.

« Merci pour le livre que tu m'as conseillé. Je l'ai avalé hier soir. » » Elle ne connaît pas le nom du jeune homme qui lui fait face, ne connaît rien, vraiment, de celui qui se tient là, un peu mal à l’aise, un peu réservé. Elle ne connaît rien à part ses goûts littéraires, ou du moins ce qu’il lui a laissé voir. Le titre et la couverture du livre lui reviennent - une écriture contemporaine, étrange, relevée, une intrigue qui n’en est pas une, un mystère qui ne semble jamais se lever.  « Je suis contente de le savoir, je l’avais beaucoup aimé aussi. J’en ai un autre qui devrait te plaire je pense, si jamais tu passes à la librairie. On s’attend à ce que ce soit une histoire policière mais ce n’est pas vraiment le cas… » Elle n’en dit pas plus, de peur de laisser échapper une information de trop, quelque chose qu’elle ne devrait pas dire et qui pourrait gâcher la lecture de son client. Semblant retrouver ses esprits et ses bonnes manières, Juniper tend sa main couverture d’une mitaine mauve.  « Juniper. Ravie de te rencontrer. Ou de te revoir, plutôt. »  Un instant, elle regarde autour d’elle, observe les petites et grandes plantes, les cactus, les monstera, les fougères qui poussent ici mais qui ne devraient pas être là, en Suéde, dans un endroit aussi froid.  « Je ne suis jamais venue ici aussi tôt, je crois. C’est agréable le matin. »
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MessageSujet: Re: (jesper) wake up and smell the coffee    (jesper) wake up and smell the coffee  EmptySam 16 Fév - 10:25



Cette rencontre inattendue était assez cocasse. Le genre de scène qui aurait facilement pu figurer dans le scénario d'un de ces vieux films américains, ou dans un bouquin du siècle dernier – ce qui s'avérait assez amusant, au regard de la profession de l'une des protagoniste de ce tableau. Otage du froid et de ses venteuses sentinelles, Jesper et la libraire étaient piégés dans cette cage de verre, entourés de fleurs qui dégageaient leur parfum exotique. Ils se tenaient ainsi, l'un face à l'autre, une moitié présente et l'autre, vagabondant dans leurs pensées respectives. Une composition pittoresque, qui reflétait bien l'esprit de Visby. L'esprit de Visby. Jesper aurait volontiers souri à cette idée, lui qui condamnait à la damnation memoriae la moindre parcelle de la ville.

Alors que la libraire répondit à son « bonjour », le pigiste prit le temps de la considérer avec plus d'attention. Leurs brefs échanges à Austen & Co lui avaient laissé une agréable impression, et il comprenait désormais pourquoi. La jeune femme s'exprimait d'une voix douce, qui participa d'ailleurs, à dissiper légèrement le malaise qui s'était emparé de Jesper, comme à chaque fois qu'il était pris au dépourvu. Ses grands yeux, rendus brillants par le froid, et ses longs cheveux, qui encadraient un visage souriant, lui donnaient des allures d'une de ces figures préraphaélites, que l'on pouvait observer dans les musées britanniques. Elle était jolie. Très jolie, en réalité, bien que derrière son sourire, Jesper crut un instant lire quelques sentiments plus maussades. Le hochement de tête de la jeune femme extirpa le suédois de sa réflexion. « Oh je me souviens tout à fait. Tu es passé la semaine dernière, mais ça ne fait pas longtemps que tu dans le coin, je me trompe ? Demanda-t-elle, les mains enfoncées dans ses poches ». Jesper esquissa un timide sourire à son tour, enorgueilli par le fait que la librairie puisse le reconnaître, lui qui passait souvent inaperçu à Stockholm. Il humidifia ses lèvres – un tic qui lui était resté de son adolescence – et opina du chef. « Exact. En fait, disons plutôt que ça ne fait pas longtemps que je suis revenu. » Il s'apprêtait à enchaîner sur son enfance à Visby et le décès de sa grand-mère, mais se tut avant. Plus par habitude que par réelle volonté de préserver son intimité, déjà bien entamée à Visby, où (presque) tout le monde avait eu vent de son histoire.

« Je suis contente de le savoir, je l’avais beaucoup aimé aussi. J’en ai un autre qui devrait te plaire je pense, si jamais tu passes à la librairie. On s’attend à ce que ce soit une histoire policière mais ce n’est pas vraiment le cas… » La libraire était de bons conseils. En réalité, Jesper se montrait souvent très exigent en matière de lecture. Lui-même écrivain à ses heures perdues, il appréciait les personnages habilement construits et les intrigues bien ficelées, où le suspens demeurait présent jusqu'aux toutes dernières pages. Généralement, les libraires de Stockholm ne témoignaient aucune volonté à conseiller leurs lecteurs, et se contentaient d'écouler leurs stocks, comme de vulgaires grossistes. A Austen & Co, les choses étaient différentes, c'était pourquoi, Jesper s'y rendaient aussi régulièrement. « Je passerai alors. J'aime les histoires où l'on ne sait pas à quoi s'attendre, où l'on retient son souffle jusqu'à la fin. Tu sais, les bouquins que l'on se contente pas de ranger dans la bibliothèque une fois qu'on les a terminé, mais sur lesquels on réfléchit à s'en griller le cerveau ». Ses yeux se perdirent dans le vague. La littérature était pour Jesper un parfait échappatoire. Pour oublier. Pour s'oublier.

« Juniper. Ravie de te rencontrer. Ou de te revoir, plutôt. » Revenant sur terre après ce bref moment d'absence, Jesper posa son regard sur la main tendue de Juniper. En règle général, il évitait le contact avec les autres, mais cette fois-ci, il serra la main de la jeune femme assez naturellement, et se présenta à son tour. « Enchanté également. Je m'appelle Jesper. » Il chercha le regard de Juniper, mais celui-ci se promenait sur les différentes plantes qui composaient la collection de la serre. Leur exotisme tranchait avec le jardin botanique qui s'étendait au dehors. Elles apportaient un peu de fantaisie à l'ensemble et créaient un charmant paradoxe entre le froid suédois et la chaleur tropical, qui n'était pas sans rappeler la personnalité de Jesper. Glacial au premier abord, mais chaleureux une fois les couches grattées. « Je ne suis jamais venue ici aussi tôt, je crois. C’est agréable le matin. » Jesper jeta un regard vers l'extérieur de la serre. Il était vrai que le jardin était désert à cette heure de la journée. Il était également vrai que l'endroit était agréable. Le sentiment de sérénité que Jesper ressentait à l'instant était assez déroutant pour lui. Il n'avait jamais songé pouvoir le ressentir à Visby. Enfin.. Sans doute, y avait-il eu une époque, lorsque Vera était à ses côtés, où la vie dans cette ville lui avait semblé tolérable, mais ce temps était bel et bien révolu. Et pourtant, dans cette serre, à l'abri du froid mordant, songeant à la perspective d'un bon roman, il se sentait apaisé. « Tu as raison, c'est agréable. Sans la foule, dans ce silence. C'est reposant. » Il ferma les yeux un bref moment, profitant de la quiétude, puis les rouvrit pour les poser sur Juniper. Il remua les lèvres, prêt à parler, mais se raviser. Il demeura silencieux quelques secondes, jouant avec ses pieds comme un enfant pas sage, puis se lança. « Tu n'es pas d'ici, je me trompe ? » La question pouvait paraître indiscrète, Jesper se montrant parfois impoli, volontairement ou malgré lui, bien qu'en l'occurrence – et la chose était surprenante au regard de son tempérament – il ne cherchait pas à être insolent. « Depuis combien de temps t'es-tu enterrée dans ce trou ? » Car, oui, aussi joli Visby pouvait être pour les touristes et les voyageurs, la ville restait à l'écart du continent et de ses avantages. Et lorsque l'on choisissait de vivre à Visby, cela s'expliquait toujours par une raison ou une autre.
 
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MessageSujet: Re: (jesper) wake up and smell the coffee    (jesper) wake up and smell the coffee  EmptyMar 19 Fév - 16:43



 « Oh, un ancien de Visby ? J’ai l’impression que beaucoup de gens sont revenus, ces derniers temps… Enfin, beaucoup, tout est relatif j’imagine. » Juniper esquisse un sourire et pense à Annika, qui vient de revenir. À Aron qui, lui, n’est jamais vraiment parti. Au gardien de phare qui a quitté Visby pour s’y isoler à nouveau. C’est quelque chose de courant, dans le coin, et la librairie s’en rend tout juste compte. Elle n’a jamais vraiment fait attention aux allers et retours des uns et des autres, s’étant contentée d’écouter les histoires, les bouts d’histoires généralement, de compiler tout ça dans un coin de sa mémoire sans vraiment y toucher. Juniper n’est pas du genre à sur-analysée : son intuition travaille à sa place et elle pose les questions qui lui viennent en premier, comme ça, qui surgissent sur sa langue et qui prennent toute la place dans son esprit. La compassion, souvent, l’empêche de dire certaines choses, de s’avancer sur certains terrains, de peur de blesser ou de soulever une pierre qu’il faudrait laisser posée, sagement posée dans un coin sans jamais y toucher. Elle sait ce que ça fait, d’être ainsi découverte, mise à nue, déstabilisée sans avoir rien demandé - et elle n’aimerait pas que ça lui arrive, elle n’aimerait pas qu’on espionne, qu’on farfouille dans son passé, alors elle ne dit rien. Elle ne demande pas à Jesper pourquoi il est revenu ni pourquoi. Surtout pas pourquoi.

« Je passerai alors. J'aime les histoires où l'on ne sait pas à quoi s'attendre, où l'on retient son souffle jusqu'à la fin. Tu sais, les bouquins que l'on se contente pas de ranger dans la bibliothèque une fois qu'on les a terminé, mais sur lesquels on réfléchit à s'en griller le cerveau » June laisse échapper un rire et se dit qu’elle avait cerné correctement les goûts littéraires du personnage.  « Oh j’ai de quoi faire alors. J’aime bien, de temps en temps, des lectures légères, mais c’est vrai qu’on ne les garde pas chez soi, ou qu’on se fiche de les donner et de les perdre. Je dois encore avoir un exemplaire du Chardonneret de Donna Tartt, si tu ne l’as pas encore lu. Elle a eu le Pullitzer, pour celui-ci, et il est vraiment, vraiment très bon. » Elle pourrait parler deux heures de livres qu’elle a lu et aimé, de choses qu’elle aimerait lire et qu’elle aimerait avoir pour la librairie, de ceux qu’elle aime conseiller sans jamais être sûr qu’ils plaisent et de ceux dont elle refuse de donner le nom. Mais elle n’est pas dans sa libraire et, bien que le jeune homme face à elle ne semble pas déranger par une conversation purement littéraire, elle préfère se présente. Il y a comme une hésitation, avant qu’il ne serre finalement sa main, et la libraire se demande s’il s’agit de timidité ou d’autre chose.

Jesper. Ça sonne comme Jasper mais avec un accent différent, avec une autre voyelle, avec une nuance, une différence qui s’inscrit dans le corps et dans le visage. Elle ne relève pas : le prénom est joli et lui va bien, si bien que Juniper se contente de sourire doucement, d’observer la serre autour d’eux, d’observer le calme et le silence. « Tu n'es pas d'ici, je me trompe ? Depuis combien de temps t’es-tu enterrée dans ce trou ?» La libraire manque de rire devant sa perspicacité : son anglais et son accent marqué la découvre en général assez rapidement. Elle l’a vu hésiter avant de poser sa question, passer d’un pied à l’autre, remuer un caillou du bout de la chaussure. Le personnage est un peu étrange, intéressant, différent des autres habitants de Visby - mais chaque personne qu’elle a croisé, depuis son arrivée, s’est montrée unique et surprenante.  « Je viens de San Francisco. Et ça doit faire un an, je crois, que je suis arrivée ? Ou bientôt un an, c’est l’histoire de quelques jours. Je suis désolée, si mon suédois n’est pas très bon. I’m still not used to it. » Son sourire s’excuse pour elle et, un instant, Juniper s’éloigne, explorant l’allée devant eux, puis elle se retourne à nouveau vers son interlocuteur, nouvelle connaissance, client presque habitué.  « Je n’avais pas du tout prévu d’habiter ici, mais quand je suis arrivée, je crois que j’ai tout de suite aimé Visby. » Elle parle alors qu’elle ne le connaît pas, pas du tout même, elle n’a que son prénom, pas même son nom, ne sait pas ce qu’il fait dans la vie ni même ce qu’il fait, ce matin-là précisément, dans la serre du jardin botanique.  « Ça doit te paraître étrange, non ? Les gens qui reviennent à Visby me trouvent toujours un peu bizarre d’avoir voulu m’installer ici. » Annika la première, qu’elle se rappelle. Aron, lui, semble avoir compris, mais ils sont rares dans cette ville, les gens de son âge à ne pas la regarder avec un air surpris quand elle raconte son envie subite, dès ses premiers pas dans le port de Visby.  « Pourquoi es-tu revenu ? Si ce n’est pas indiscret. » Et ça l’est certainement, mais elle ne peut pas s’empêcher de demander et de jeter un oeil dans la direction du jeune homme, se rapprochant doucement, pas à pas, plante par plante.
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MessageSujet: Re: (jesper) wake up and smell the coffee    (jesper) wake up and smell the coffee  EmptyVen 22 Fév - 20:26



Retour au bercail. Les anciens de Visby semblaient s'être donnés le mot pour revenir en ville plus ou moins au même moment. En réalité, Jesper ne s'en était pas véritablement rendu compte. D'une part, il avait quitté le port voilà presque dix ans, il lui était donc difficile de savoir si entre temps, d'autres âmes en peine avaient fait de même. D'autre part, il se fichait pas mal de l'évolution démographique de Visby et ne prêtait généralement aucune attention aux visages qu'il croisait. Généralement. Un sourire volatile se dessina sur le coin de lèvres du pigiste. « Oui, un ancien, comme tu dis, se contenta-t-il de répondre. » Un instant, il chercha le regard de Juniper. Il lui était reconnaissant de ne pas poser les questions qu'il redoutait. Celle du départ. Celle du retour. Celles qui mettaient ses nerfs à fleur de peau, qui confrontaient sa raison à son hypersensibilité clinique qu'il préférait dissimuler derrière des airs de gros dur. « Mmh, tu as raison. Mais heureusement, il y a aussi de nouveaux visages. Comme le tien. »

« Oh j’ai de quoi faire alors. J’aime bien, de temps en temps, des lectures légères, mais c’est vrai qu’on ne les garde pas chez soi, ou qu’on se fiche de les donner et de les perdre. Je dois encore avoir un exemplaire du Chardonneret de Donna Tartt, si tu ne l’as pas encore lu. Elle a eu le Pullitzer, pour celui-ci, et il est vraiment, vraiment très bon. » Le sujet dériva alors mécaniquement vers la littérature. Comme si la présence d'un spécialiste d'une discipline impliquait nécessairement que l'on débatte autour de celle-ci. Comme si l'identité d'une personne s'effaçait au profit de son métier, de son activité. Jesper se souvenait avoir rédigé un article, lors de ses études de journalisme, sur l'identification par le statut socio-professionnel. Les sociologues estimaient que le métier pratiqué était, de tout temps, l'un des principaux critères de définition des individus. Horreur ! Mais terrible vérité… Jesper s'était intérieurement insurgé. C'était d'ailleurs pour ça qu'il avait choisi de devenir pigiste : pour ne pas avoir, à proprement parlé, un statut professionnel défini. Repensant un bref instant à ces stigmates universitaires, il décida de ne pas embrayer sur le sujet « Littérature », et se contenta d'une réponse amicale, intéressée, mais peu engageante. « Ça tombe bien, je l'avais inscrit dans ma pile à lire, je passerai dans la semaine. » Juniper semblait partager son avis, et ils en vinrent directement aux présentations. Fait intéressant, que ces présentations tardives. A croire qu'ils s'étaient toisés et apprivoisés, avant d'accepter d'établir un véritable contact humain.

Juniper, souriante, étouffa un rire lorsque Jesper la questionna sur ses origines. Ce n'était pas seulement son accent qui l'avait trahi : son attitude avait également mis la puce à l'oreille du jeune homme. Elle n'avait pas ce regard fourbe et vicieux des habitants de Visby. Elle n'était pas animée d'une curiosité malsaine, caractéristique de ces petits villages. Et surtout, elle semblait avoir de la considération à l'égard de Jesper, ce qui était chose rare à des kilomètres à la ronde. « Je viens de San Francisco. Et ça doit faire un an, je crois, que je suis arrivée ? Ou bientôt un an, c’est l’histoire de quelques jours. Je suis désolée, si mon suédois n’est pas très bon. I’m still not used to it. » Elle s'excusa avec un sourire, qui éclaira son visage. Elle était jolie, remarqua Jesper. Son visage était doux avec ses grands yeux et son expression rieuse. Elle dégageait une certaine sérénité qui contrastait avec l'attitude hésitante de Jesper. Il sourit à son tour, pour lui signifier que son suédois était tout à fait convenable, prononçant dans la foulée un « No problem for your swedish ». Un an, songea le pigiste, comment pouvait-on demeurer volontairement un an dans ce patelin ? Comme si elle avait lu dans ses pensées, Juniper répondit à la question que se posait intérieurement Jesper. « Je n’avais pas du tout prévu d’habiter ici, mais quand je suis arrivée, je crois que j’ai tout de suite aimé Visby. » Jesper écarquilla les yeux, stupéfait par la dernière phrase de la jeune femme. Il secoua la tête, tout en haussant les épaules, avant de remettre en place une mèche de cheveux qui lui tombait sur le visage. «  Ça doit te paraître étrange, non ? Les gens qui reviennent à Visby me trouvent toujours un peu bizarre d’avoir voulu m’installer ici. » A nouveau, elle l'avait devancé, comprenant bien le fond de la pensée du jeune homme. Oui, il trouvait ça bizarre. Pas parce que la ville était isolée et un peu morte à la saison creuse, mais bien parce qu'il estimait qu'elle était entourée d'une malédiction, commune aux petits villages. Il avait du mal à saisir ce qui pouvait pousser quelqu'un à s'installer dans un endroit où l'on ne pouvait qu'être prisonnier de la communauté et de ses préjugés. « J'avoue que je trouve ça surprenant. Sans vouloir te vexer, je me demande comment il est possible d'aimer Visby, autrement que sur une carte postale. Je déteste cette ville. Je la déteste vraiment. » Il avait déclaré ça sans filtre, ignorant qu'il parlait à une parfaite inconnue. Mais au fond de lui, il sentait qu'elle ne le jugerait pas. Il planta ses pupilles dans le regard de la libraire. « Tu as de la chance de venir d'une ville comme San Francisco. La vie à l'air beaucoup plus… Libre, là-bas, si tu vois ce que je veux dire. Tu peux être qui tu veux. Ici, on existe seulement à travers le regard des autres. La grande ville ne te manque pas ? » Il jeta un coup d'oeil autour de lui. La serre, le jardin, la mer, le silence. Il était vrai que Visby offrait une quiétude qui paraissait de prime abord assez agréable. « Enfin, je suppose que tu dois avoir tes raisons. » Il lui sourit, ne voulant surtout pas se montrer désobligeant avec Juniper. Il l'appréciait bien, chose rare. Mais son sourire s'effaça lorsqu'elle lui demanda les raisons de son retour. Jesper se figea sur place. Pourquoi, c'était une bonne question. Officiellement, tout ça découlait d'une question d'héritage. Officieusement, le temps était peut-être venu pour lui de se confronter aux fantômes de son passé. Alors que Juniper s'était très légèrement approchée de lui, Jesper se dirigea vers l'une des vitres de la serre. « Je viens d'hériter de la maison de ma grand-mère. Je mets de l'ordre dans ses affaires et j'essaie de la vendre. Tu ne cherches pas à acheter une maison par hasard ? Je souhaite partir d'ici au plus vite. » Il posa une main sur la vitre, sur laquelle s'étaient formées quelques gouttes de condensation, puis, revint sur ses pas, afin de se positionner face à Juniper, un peu plus près d'elle qu'il ne l'était auparavant. Il se mordilla la lèvre inférieure, hésitant à formuler la question qui le démanger. Après deux loupés où il ouvrit la bouche pour directement la refermer, il se jeta à l'eau. « Et toi, pourquoi tu restes ? Qu'est-ce qui peut bien te retenir ici ? » Ce n'était pas de la curiosité déplacée – même si cela pouvait en avoir l'air – mais une réelle volonté de comprendre. Jesper enfonça ses mains dans ses poches et lança un regard doux et bienveillant à Juniper, le genre de regard, qu'il n'offrait en règle général qu'à sa sœur. Peut-être que Visby était un échappatoire pour Juniper, comme Stockholm en avait été un pour lui.  
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Juniper Anderson
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Adresse : Une petite baraque sur l'île de Götland, qu'elle a acheté avec ses économies et qu'elle retape, au fur et à mesure, tout en s'occupant de son jardin.
Occupation : Propriétaire de la librairie anglophone Austen&Co.
Réputation : La nouvelle venue, plus si nouvelle que ça, qui s'est décidée à reprendre la librairie sur le point de fermer. L'américaine qui semble sourire presque tout le temps et dont on ne sait pas grand chose, à vrai dire, si ce n'est qu'elle vit retirée sur l'île, qu'elle n'a pas de famille, qu'elle aime le thé, les biscuits, et bien sûr les livres.

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MessageSujet: Re: (jesper) wake up and smell the coffee    (jesper) wake up and smell the coffee  EmptyJeu 7 Mar - 21:40



« J'avoue que je trouve ça surprenant. Sans vouloir te vexer, je me demande comment il est possible d'aimer Visby, autrement que sur une carte postale. Je déteste cette ville. Je la déteste vraiment. » C’est étrange, pur Juniper, d’entendre ça, étrange et pourtant répété, plus tout à fait nouveau, plus tout à fait surprenant. Jesper n’est pas le premier à se poser des questions, à se demander ce qu’on peut bien trouver à cette petite ville perdue, à ce qu’elle peut bien y chercher, la nouvelle libraire - et June ne répond jamais à cette question, ne donne pas de détails, ne s’étale pas plus que cela de peur de donner trop d’informations. Les gens, les habitués, les habitants, semblent voir dans Visby quelque chose qu’elle n’a pas su saisir, qui lui échappe encore : la routine, la laideur, l’ennui, tout ce qu’elle voyait à San Francisco, elle aussi. Tout ce que les années lui avaient appris avoir, tout ce que les souvenirs avaient fini par lui imposer. Juniper serait incapable d’y retourner pour de bon, de s’y installer à nouveau, de reprendre sa vie d’avant. Peut-être est-ce pareil pour Jesper. Peut-être y a-t-il trop de choses pour lui, à Visby.  « Eh bien, tu vois, moi c’est San Francisco que je déteste. J’imagine que cela dépend d’où l’on vient, peut-être d’où on a grandi. » « Tu as de la chance de venir d'une ville comme San Francisco. La vie à l'air beaucoup plus… Libre, là-bas, si tu vois ce que je veux dire. Tu peux être qui tu veux. Ici, on existe seulement à travers le regard des autres. La grande ville ne te manque pas ? » Il lui faut un instant, pour trouver la réponse appropriée. Elle ne sait que commenter, exactement, comment formuler le rejet profond de cette ville, de ce pays où elle a grandi.  « C’est peut-être plus libre parce que c’est grand, oui, mais… Je ne sais pas, je ne suis pas persuadée que ce soit dans ce genre d’endroit qu’on se trouve réellement libérée. Mais c’est subjectif, comme vision des choses, peut-être que je serais comme toi si j’avais grandi ici. »

Les plantes grasses se plient docilement sous ses doigts et San Francisco est bien loin derrière elle.  « Non, vraiment, ça ne me manque pas du tout. Je préfère le calme d’ici, je crois. C’est plus… Naturel ? Comme rythme, j’entends. » Juniper hausse les épaules, adressant un sourire à Jesper, ne revenant pas sur ses raisons, se contentant d’être là, d’hocher la tête, de dire oui sans dire non, de laisser glisser la possible question. Jesper est poli, ne s’aventure pas là où il ne le faut pas, même s’il s’interroge et interroge la libraire dans la foulée. Il est assez délicat pour avancer à petit pas, et c’est Juniper qui brise la glace un peu trop fort, un peu trop vivement. Elle s’en rend compte quand il se fige et qu’il la regarde, un bref instant, comme un animal que l’on vient de mettre au pied du mur. Elle regrette instantanément d’avoir parlé mais ne peut pas réellement revenir en arrière, si elle doit être honnête. Juniper est curieuse : pas de façon malsaine, mais elle aime comprendre ses interlocuteurs, savoir ce qui les mène à Visby, ce qui les y ramène, ce qui fait qu’on la déteste tant - ou qu’on l’aime tant, pour certains des habitants.

« Je viens d'hériter de la maison de ma grand-mère. Je mets de l'ordre dans ses affaires et j'essaie de la vendre. Tu ne cherches pas à acheter une maison par hasard ? Je souhaite partir d'ici au plus vite. »  « J’aurais bien aimé pouvoir te dire oui, mais j’ai déjà acheté une maison ! Sur Gotland. Tu n’as pas encore eu de propositions ? Enfin j’imagine que c’est pas tous les jours que des gens débarquent sur Visby pour s’installer… » Un instant, Juniper se demande où se trouve la maison, à quoi elle ressemble. Elle éprouve une sorte de fascination pour les demeures de famille, celles qu’on aime et que parfois on abandonne, dont on est obligé de fermer les volets.  « Et je suis désolée, pour ta grand-mère. » C’est sincère, on l’entend, et Juniper observe Jesper qui s’est éloigné, qui observe les grandes vitres, qui pose sa main sur la glace froide, et le regarde revenir. Il est grand, et c’est presque touchant de le voir hésiter, ouvrir la bouche pour dire quelque chose et se raviser. Peut-être est-ce cela qui lui donne envie de répondre - ou plutôt, elle se dit qu’elle doit répondre, qu’elle lui doit au moins ça, après tout. Elle n’est pas obligée de tout dire, de tout raconter, mais peut-être qu’un peu de vérité…  « Parce que je n’ai pas envie de rentrer. » Un rire lui échappe, léger, et elle laisse ses doigts s’enfoncer dans la terre fraîche.  « J’ai pas vraiment envie de retourner vivre là-bas. Je sais ce qui m’attend, à San Francisco : les mêmes boulots, les loyers indécents, la vie en ville, les bouchons… Ici, ça ressemble un peu à là où j’ai grandi, dans le Colorado. C’est plus calme, plus facile, pour moi, de vivre à ce rythme là. Et puis il y a la librairie et la maison. Je n’ai pas envie de laisser ça derrière moi. »
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