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 (aron) the song of the sea

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Anonymous
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(aron) the song of the sea  Empty
MessageSujet: (aron) the song of the sea    (aron) the song of the sea  EmptyDim 17 Fév - 21:10


Augusta,

Le début de la lettre se tient là, sur le papier. Sixten est incapable d’écrire la suite. Les mots, d’habitude, lui viennent aisément et depuis des mois il entasse les lettres, les ferme soigneusement, attend de les oublier. Il les empile dans une boîte, glisse entre chacune d’elle une photo d’Augusta et attend d’avoir autre chose à dire. Sa vie n’est pas trépidante - c’est elle qui la rendait plus excitante, plus mouvementée. Ce n’est pas difficile à admettre : son existence avant et après Augusta ne ressemble qu’à un petit tas de cendres ternes qui, avec le vent, s’envolent sans qu’on y fasse attention. L’image s’est imposée à lui, quelques jours auparavant, et il la trouve plutôt bien choisie. Sixten n’a plus de thérapeute mais il sait ce que le vieil homme lui dirait - qu’il y a un côté gris dans ses paroles aussi, quelque chose de plat, d’encore en deuil. Quelque chose qu’il n’est pas prêt de régler et avec lequel il devra vivre, à présent.

Ça s’appelle l’absence.

L’envie de railler la phrase le prend mais il se retient. Il s’est juré d’être honnête, dès la première lettre. De ne pas revenir sur son contenu, de ne reprendre que la forme, mais d’écrire, au possible, d’un seul coup, un premier jet brut, sincère, comme il l’aurait écrit avant, quand Augusta était encore vivante.

Et ça rend le temps extrêmement long. J’aimerais te dire qu’il s’est passé mille choses depuis ma dernière lettre, que je me suis fait de nouveaux amis, que j’ai adopté un chien. Tu saurais dire que je mens, toi. Il te suffirait de lire tout ça, de le lire une fois, et tu te mettrais à rire en me traitant d’imbécile.

Assis à la petite table qu’il a placé près de la porte, Sixten croit entendre le rire de sa femme perdu dans les cris des mouettes et il tend l’oreille, un instant. Elles s’éloignent puis reviennent, se posent sur la rambarde du phare, baissant les yeux pour l’observer. Les mouettes sont des oiseaux curieux et elle semblent bien décidée à rester là, perchées, attentives

Je pensais mieux vivre ton départ mais parfois, quand je suis sur le rocher et que je monte dans le phare, je me pose encore des questions. Je crois voir du sang, en bas, sur les pierres, à peine délavé par la mer. Et puis il y a la rancune. C’est tenace, comme sentiment. On croit que ça s’en va avec le temps, ça aussi, mais pas vraiment. Je crois l’avoir gravé quelque part en moi et ne plus pouvoir m’en débarrasser.

Mais c’est injuste, car tu ne peux plus te défendre et je suis là, à écrire et réécrire les mêmes choses, à tourner en rond en attendant que tu te manifestes, d’une manière ou d’une autre et Aron doit arriver et je n’ai plus de temps.


Sixten se connaît bien et il sent la colère couler du bout de ses doigts sur le papier. Il s’énerve rarement, n’a jamais vraiment su le faire comme le font les gens, mais quand ça lui arrive, c’est un peu effrayant - pour lui, pour les autres. C’est la mer qui se déchaîne brusquement, sans prévenir, et il ne veut pas aller par là, pas maintenant. Aron doit passer, il lui a dit qu’il devait passer, et Sixten n’a rien préparé. Soigneusement, il plie la lettre, la glisse dans l’enveloppe et la coince sous une pierre qui lui serre de presse-papier.

Dans un silence relatif - le bruit des vagues ne le dérange jamais -, il rentre et met l’eau à chauffer, versant un café fraîchement moulu dans sa vieille cafetière à piston. Il l’avait déjà, celle-là, à Stockholm, un des rares objets qui n’était pas un cadeau d’Augusta mais un bien propre, marqué de son identité, de ses goûts, de sa présence. Le bateau ne devrait pas tarder. Peut-être devrait-il dire la barque : il connaît Aron, et s’il peut éviter le bruit du moteur, il n’hésitera pas à ramer. Combien de fois se sont-ils aventurés sur le rocher, quand ils étaient gosses ? Combien de fois ont-ils failli finir à l’eau, quand la mer se levait ? Des bruits de pas, à peine couvert par le ressac des vagues, lui parviennent. Sixten pense prendre la notion du temps, parfois, et quand il sort, Aron approche, fidèle à lui-même.  « Tu es en avance ou je me trompe ? Je ne sais pas quelle heure il est. » C’est quand il le dit, tout haut, qu’il s’en rend compte : il n’a plus de montre et son téléphone est enfoui quelque part dans le canapé. Les mains dans les poches, le gardien observe son vieil ami et l’invite d’un signe de tête à entrer.  « Le café sera bientôt prêt. »
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